Entretiens

« Une filière responsable comme la publicité doit s’inscrire par essence dans la décarbonation de l’économie »

Au lendemain du 1er volet des États Généraux de la Communication, Stéphane Martin, directeur général de l’Autorité de Régulation Professionnelle de la Publicité, revient notamment sur la responsabilité de la filière en matière d'environnement. 

Publié le 02/12/2020 à 11:48, mis à jour le 02/12/2020 à 18:07.

Stéphane Martin
© Richard Bord

Les États Généraux de la Communication viennent de franchir une 1ère étape le 27 novembre. En tant que partenaire et autorité de régulation professionnelle du secteur de la publicité, quelles étaient les attentes de l’ARPP vis-à-vis de cet événement ?
Ce premier volet des Etats Généraux a révélé auprès d’un plus large public - professionnel mais aussi acteurs de la société civile et pouvoirs publics – l’importance de prendre des engagements collectifs dans un cadre consensuel. Et ce sur des sujets primordiaux qui dépassent les considérations de concurrence ou de relations clients fournisseurs. La priorité à répondre à des problématiques actuelles, telles que l’urgence climatique, a été exemplaire dans la forme comme sur le fond. Par ailleurs, je salue cet élan collectif auquel l’ARPP était associée.

La régulation professionnelle de la publicité concertée avec la société civile s’inscrit dans une démarche de progrès permanent

La régulation professionnelle de la publicité concertée avec la société civile s’inscrit dans une démarche de progrès permanent, l’ARPP est par nature un mode d’organisation ouvert aux échanges et à la co-construction pour que la publicité y gagne en qualité grâce à un dialogue confiant et productif et une implication nécessaire sur des sujets majeurs comme la transition écologique. Cela démontre que la réflexion n’est pas nouvelle, qu’elle demeure évidemment complexe car la communication s’insère dans un ensemble économique global, mais nous partageons tous les mêmes objectifs. Une filière responsable comme la publicité doit s’inscrire par essence dans la décarbonation de l’économie.

Les discussions ont beaucoup porté sur la publicité responsable. Où en sommes-nous sur ce sujet ?
Nous allons fêter mi-décembre les 5 ans des Accords de Paris dont découle une Stratégie nationale bas carbone à laquelle personne ne s’oppose, loin s’en faut. Chacun des métiers doit construire sa propre stratégie, à l’instar des engagements du programme FAIRe de l’Union des marques. D’autre part, il y a la communication et son rôle dans la société. Cette dernière est un accélérateur de changements de comportements. La publicité plaide en ce sens et accompagne les évolutions, mais nous savons que cela relève avant tout d’un mouvement global qui embarque tous les citoyens-consommateurs. Et ce, par l’explication, l’incitation, davantage que par la contrainte. Si interdiction il doit avoir, sur certains produits ou services, c’est au pouvoir étatique au niveau européen qu’il revient de prendre de telles décisions et non à la communication. Il ne faut pas faire porter sur les épaules de la communication un trop gros fardeau alors qu’elle est l’outil de la règle, et du contrôle de la règle au travers de l’ARPP. D’ailleurs si l’on se compare avec d’autres pays, le greenwashing en France a été largement combattu et avec efficacité, même s’il reste malheureusement des exemples. Des exemples qui sont régulièrement pointés du doigt par le principe accepté par la profession du Name and Shame. Mais nous restons vigilants, notamment via les observatoires et nos bilans co-produits depuis plus 10 ans avec l’ADEME.

Justement, le dernier bilan « Publicité et environnement » que vous avez publié en septembre avec l’ADEME fait-il ressortir une tendance à davantage d’engagements ?
Ce que l’on observe dans les publicités télé mais aussi sur les autres supports est assurément une plus grande place pour la thématique environnementale. C’était déjà le cas en 2019 mais la tendance est en progression. Pour autant, il faut être attentif à toutes les formes d’expression des messages, les règles s’appliquant à tous les modes de communication. Il faut donc trouver le juste ton, ne pas tomber sous le seuil des Recommandations, au risque de verser dans le greenwashing.

Le niveau d’exigence est monté, et il est encadré par des règles qui ont d’ailleurs été réactualisées et renforcées cette année encore

Le niveau d’exigence est monté, et il est encadré par des règles qui ont d’ailleurs été réactualisées et renforcées cette année encore. Tout ce qui serait contraire aux objectifs du développement durable, à des modes de consommation excessifs ou contraires aux principes de l’économie circulaire, tout ce qui inciterait au gaspillage, à la dégradation des ressources naturelles ou de la biodiversité, etc. demeurent strictement encadrés. Et rappelons que les objectifs et les critères ont été définis avec la société civile représentée notamment au Conseil paritaire de la publicité, avec des associations qui co-construisent la règle avec l’interprofession. Mais notre niveau de jeu créatif est de loin le plus exigeant d’Europe. Enfin, il y a les marques qui veulent aller plus loin, qui travaillent sur le sujet des représentations dans le cadre d’une consommation raisonnée.

Certains intervenants des Etats Généraux ont néanmoins insister sur l’urgence climatique et le besoin d’accélérer.
La stratégie nationale bas carbone ne dit pas qu’il faut atteindre les objectifs dès demain mais elle donne des échéances. Il faut prendre en considération les contraintes industrielles tout en bougeant sur ces sujets dès maintenant. C’est d’ailleurs le cas de l’industrie automobile où la part de voix des publicités pour des véhicules électriques est bien supérieure à la part de marché. Ce qui était important de rappeler lors de ces Etats généraux était qu’il n’y avait pas de retard sur ces questions, nous sommes sur le bon chemin avec une trajectoire à 10/20 ans, qui a déjà commencé. Il peut y avoir des philosophies politiques différentes de la part d’autres parties prenantes, mais le secteur de la communication est à l’unisson.

Outre l’environnement, ces règles portent-elles également sur des thématiques sociétales ?
Outre l’objectif de la baisse de 40% des émissions des gaz à effets de serre, qui était le mandat de la Convention Citoyenne pour le Climat, tout le monde a bien conscience que tous les sujets de société sont sur la table. D’ailleurs dans le préambule de la recommandations « Développement durable » de l’ARPP, nous citons volontairement les Objectifs de Développement Durable (ODD) de l’ONU qui englobent les questions d’égalité femmes/hommes, d’inclusion au sens large, de prises en compte des diversités, etc. Il ne faut pas tomber dans un prisme qui serait uniquement environnemental évidemment. Cela fait 30 ans qu’il y a des règles à l’ARPP sur les arguments écologiques et 45 ans sur la représentation de la femme dans la publicité par exemple. Donc là encore, le sujet n’est pas nouveau, mais les réflexions s’ajustent à chaque fois sur les évolutions à mener, qui répondent à des demandes sociétales et politiques.

Quelles sont les prochaines priorités de l’ARPP ?
La traduction de cette première session des Etats Généraux passera par des décisions statutaires sur des adaptations, des améliorations, des processus qui ont été décrits. Les travaux des Etats Généraux constituent une contribution de grande qualité pour la gouvernance de l’ARPP qui aura à valider et adopter de nouvelles dispositions, et ce sera le cas dans les prochaines semaines. Cela passera par la validation de ces décisions par nos près de 700 membres pour aller vers ce « mieux » publicitaire que tout le monde recherche.

Le Conseil d’administration du 16 décembre étudiera les différentes pistes d’amélioration attendue

Le Conseil d’administration du 16 décembre étudiera les différentes pistes d’amélioration attendue, comme par exemple rendre toujours plus efficient le Jury de déontologie publicitaire dans sa démarche de réceptacle de plaintes et de respect du contradictoire avec les marques, les agences et les médias. Mais toutes les hypothèses ont d’ores et déjà été étudiées, reste à la gouvernance de l’ARPP et à ses adhérents d’arrêter leurs décisions dans les semaines à venir.

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