Entretiens

« Nous ne sommes pas loin de voir l’empreinte carbone devenir un sujet mainstream ! »

Le sujet de la réduction de nos émissions de CO2 n'épargne évidemment pas le secteur de l'événementiel. Comment s'engager sur la voie de la sobriété ? On en parle avec Simon Létourneau, co-fondateur de Carbo.

Publié le 01/06/2022 à 11:32, mis à jour le 01/06/2022 à 16:40.

Simon Létourneau
© DR

Pouvez-vous nous rappeler la genèse et vocation de Carbo ?

Je viens de l’univers des médias, j’ai notamment collaboré à Usbek et Rica, une expérience passionnante pour réfléchir au futur et au monde de demain. Et je fais partie de cette génération qui a fait son coming-out écologique, ce qui a impacté ma vie de consommateur et de citoyen. Cette démarche individuelle a mué en démarche professionnelle, avec la volonté de me centrer uniquement sur un projet en lien avec l’écologie.

Nous ne sommes pas des donneurs de leçons, nous tentons juste de délivrer de bonnes informations quantitatives et de les analyser pour que chacun puisse réduire son empreinte carbone

Avec mes deux associés rencontrés en école d’ingénieur, nous avons lancé Carbo il y a deux ans et demi avec une mission définie de manière collégiale, à savoir accélérer la prise de conscience écologique des individus et des entreprises, et pour objectif la réduction de leur empreinte carbone. Pour cela, nous nous appuyons sur deux principaux piliers, à savoir la technologie et la data – avec notre base de données certifiée par l’ADEME qui nous permet d’établir nos bilans carbone – et l’éducation et la formation. Sur ce dernier point, nous ne sommes pas des donneurs de leçons, nous tentons juste de délivrer de bonnes informations quantitatives et de les analyser pour que chacun puisse réduire son empreinte carbone.

Cela se concrétise comment ?

Concrètement, nous développons plusieurs solutions technologiques, une gratuite utilisée aujourd’hui par 30 000 citoyens, et une payante pour les entreprises. Ces dernières suivent leur P&N financier, demain elles vont suivre l’empreinte de leur activité. Nous ne sommes pas loin de voir l’empreinte carbone devenir un sujet mainstream. Regardez par exemple Decathlon qui vient de publier l’empreinte carbone de l’ensemble de ses produits. Carbo participe donc à ce mouvement.

Par ailleurs, nous testons notre solution permettant de calculer l’empreinte carbone des événements, solution que nous lancerons pleinement à la rentrée de septembre.

Lorsque l’on parle de l’impact carbone d’un événement, qu’est ce qui est pris en compte, de quoi parle -t-on exactement ?

Ce qui est très intéressant avec l’empreinte carbone, c’est que l’on peut avoir une vision exhaustive de l’activité de l’entreprise ou d’un événement. Nous récupérons des données d’activités physiques telles que les kilomètres, les kilowatts, l’activité des sites internet, etc. Des données faciles à identifier finalement et qui sont ensuite analysées par notre algorithme. Après, nous créons des supports pédagogiques qui mettent en évidence les axes d’amélioration.

Rappelons que le plus gros poste d’émission de carbone de l’événementiel reste le transport.

D’une entreprise ou d’un événement à un autre, les postes les plus importants en termes d’émission de CO2 vont varier. Parfois nous avons des surprises, comme cette société de conseil pour laquelle nous avons réalisé un bilan et qui s’est aperçue que la moitié de son empreinte carbone de l’année était due à un séminaire interne d’une semaine réalisé en avion ! Rappelons que le plus gros poste d’émission de carbone de l’événementiel reste le transport. L’empreinte carbone d’un salon par exemple doit donc être prise en compte dès le départ et être réfléchie sur l’ensemble des activités de l’événement et de ses prestations.

Existe-t-il un référentiel international pour calculer l’empreinte carbone ?

Il en existe plusieurs. Pour notre part, nous nous appuyons sur la méthodologie développée par l’ADEME et Carbone 4, le cabinet conseil de Jean-Marc Jancovici. Celle-ci est reconnue internationalement et nous donne un coup d’avance sur le marché. D’autre part, notre base de données propriétaire est constamment enrichie par nos data scientists. Je dis souvent que quand je vais au restaurant je vois une carte de plats avec des prix, et dans ma tête j’imagine leur empreinte carbone. Nous allons arriver vers un monde dans lequel l’empreinte carbone sera présente partout.

Carbo va accompagner le festival We Love Green qui débute aujourd’hui et Viva Technology dans 15 jours. Allez-vous calculer le bilan carbone de chaque événement ?

Nous avions également travaillé avec The Big Green l’an dernier, un événement sur la RSE qui se déroule à Deauville. En effet, nous accompagnons We Love Green dont nous réaliserons le bilan carbone, ainsi que VivaTech. Deux rendez-vous d’envergure qui nous permettent de sensibiliser tout leur écosystème et de calculer l’empreinte carbone de chaque exposant. We Love Green réfléchit de longue date à ce sujet, l’an dernier les organisateurs nous avaient d’ailleurs approché pour calculer l’empreinte carbone de leur version digitale. Concernant VivaTech qui fera son bilan carbone de manière la plus exhaustive possible, nous mettons également notre outil à disposition des visiteurs et des exposants. Par ailleurs, Carbo est exposant sur le stand du groupe La Poste.

Lorsque l’on interroge les agences d’événements, nombreuses sont celles qui témoignent de la réticence de certains organisateurs à considérer la question de l’empreinte carbone. Avez-vous le sentiment que la situation évolue et que la prise de conscience fait son chemin ?

Il n’y a aucun débat sur l’obligation de faire d’énormes efforts pour réduire nos émissions de CO2. La compensation pose question car ne doit pas devenir un droit à polluer. Elle est pertinente en bout de chaine, quand tous les efforts de réduction ont été réalisés. Mais soyons réalistes, il va falloir faire davantage preuve de sobriété. Et il faut faire attention au vocabulaire car il n’existe pas d’événements neutres en carbone, mais des événements qui éventuellement participent à la neutralité carbone.

Certaines agences vont même jusqu’à établir dans leur reco des budgets différents selon le taux d’émission de CO2 et ainsi donner le choix au client.

Pour autant, dans le secteur de l’événementiel, des efforts sont faits même si ce n’est pas assez rapide. Les grands groupes sont désormais très soucieux de ne pas verser dans le greenwashing et d’être dans la démarche du « faire » et de « communiquer » ensuite. Et ils sont de plus en plus nombreux à demander le calcul de l’empreinte carbone de leurs événements. C’est une forte tendance de marché. Certaines agences vont même jusqu’à établir dans leur reco des budgets différents selon le taux d’émission de CO2 et ainsi donner le choix au client. En fait, le sujet de l’empreinte carbone est pleinement sur la table et il y a des annonceurs qui se positionnent en first users car ce sera la norme d’ici deux ou trois ans. Ceux qui ne se saisissent pas aujourd’hui de la thématique auront forcément un train de retard. C’est d’ailleurs ce qui s’est passé avec le digital et on a bien vu les agences et les entreprises qui n’avaient pas su prendre ce virage-là.

GreenTech, ClimateTech, DataForGood : comment se positionne Carbo dans ce nouveau paysage ?

L’innovation sans doute la plus importante est celle liée à la data, à l’étude des données afin de prendre les bonnes décisions en matière de choix de fournisseurs par exemple. Chez Carbo, nous parlons de ClimateTech. L’autre sujet principal, ce sont les solutions proposées pour réduire l’empreinte carbone, volet sur lequel nous n’intervenons pas même si nous pouvons être force de propositions grâce à notre connaissance des acteurs innovants.

Question pour un startuppeur pour finir : comment voyez-vous Carbo dans 5 ans ?

Carbo est actuellement dans une phase très stimulante. Nous sommes une vingtaine de collaborateurs, revendiquons 30 000 utilisateurs individuels auxquels vont bientôt s’ajouter 10 millions de clients de banques pour lesquels nous allons mettre à disposition notre algorithme.

Nous sommes une start-up engagée et à impact, avec un modèle exigeant en termes de croissance écologique.

La croissance est donc assez forte et notre vrai sujet est d’assurer une croissance responsable. Après une première levée de fonds de quasiment 1 million d’euros l’an dernier, actuellement nous levons 3 millions pour assurer notre développement et continuer de recruter des scientifiques pour notre base de données et pour gérer les partenariats. Nous sommes une start-up engagée et à impact, avec un modèle exigeant en termes de croissance écologique.

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