Entretiens

“La télé linéaire et les services replays représentent toujours 70% de l’audience ! ”

Qu'est-ce qui fait bouger les lignes du secteur audiovisuel aujourd'hui ? On en parle avec le spécialiste Philippe Bailly, fondateur et CEO de NPA Conseil. 

Publié le 07/06/2023 à 10:34, mis à jour le 07/06/2023 à 16:58.

Philippe Bailly
© Christophe Russeil/FTV

En tant que spécialiste de l’audiovisuel, comment analysez-vous le paysage actuel ? 

NPA Conseil est spécialisée dans l’étude et l’analyse du média vidéo et audiovisuel. Nous décryptons au quotidien l’actualité de l’audiovisuel en France et à l’international au travers de notre newsletter Insight NPA. Par ailleurs, nous publions depuis 3 ans le baromètre OTT, réalisé chaque trimestre avec Harris Interactive, dans lequel nous suivons l’évolution de l’équipement TV des Français, les services auxquels ils sont abonnés, les plateformes gratuites qu’ils utilisent…, etc. 

Lorsque j’ai créé le cabinet en 2001, les grandes thématiques d’alors étaient la TNT, avec le passage à une relative abondance – une quinzaine de chaînes versus les 5 chaînes gratuites qui étaient le lot pour trois quarts des Français –, mais aussi la montée des contenus à la demande grâce au digital. L’avènement du replay a ensuite intensifié les changements d’usage, avec la possibilité de visionner les programmes quand on le souhaite et à son rythme, puis la SVoD a été une nouvelle étape en proposant de vastes bibliothèques de contenus en « all inclusive ». Quant aux développements les plus récents, ce sont les plateformes d’AVoD et les chaînes FAST, toutes deux financées par la publicité. 

Ce que l’on perçoit également, c’est la percée de Youtube, et potentiellement de TikTok, qui se consomment de plus en plus sur la TV (...)

Concernant le comportement des téléspectateurs, on note que la SVoD poursuit son développement, avec 55% des foyers français qui ont au moins un abonnement à un service dédié. Pour autant, la télé linéaire et les services replays représentent toujours plus de 70% de l’audience ! Ce que l’on perçoit également, c’est la percée de Youtube, et potentiellement de TikTok, qui se consomment de plus en plus sur la TV, la smart TV étant l’écran de référence pour les formats longs. 

Beaucoup d’acteurs pour un bassin d’audience qui n’est pas extensible ? 

En effet, il y a un encombrement d’autant plus que nous arrivons à un plafond en termes de durée de visionnage. Du côté de la publicité, les invités sont de plus en plus nombreux autour de la table, avec l’arrivée des services de SVoD avec publicité ou la montée de l’AVod et des FAST, et télé et vidéo digitale sont en concurrence de plus en plus frontale pour attirer les investissements publicitaires. Du côté des offres payantes, les grands studios américains tels Disney, Warner ou Paramount se sont lancés à la poursuite de Netflix il y a cinq ou six ans, avec des investissements colossaux, afin de gagner des abonnés. Mais leurs plateformes sont encore loin de la rentabilité, et elles ont dû revoir leur copie début 2022 quand leurs cours de bourse ont chuté, et sont revenus à plus de sagesse dans les dépenses

Justement, comment réagissent les annonceurs et arbitrent-ils leurs investissements publicitaires ? 

Pour une direction de la communication, c’est actuellement compliqué de comprendre le paysage audiovisuel. Les experts médias eux-mêmes peuvent se perdre dans la multiplication des plateformes et le croisement des modèles économiques ! Les groupes de télévisions et leurs plateformes numériques représentent des éléments de stabilité bien maîtrisés, et ils restent majoritaires dans les usages.

Mais la concurrence va encore monter d’un cran au fur et à mesure que les usages OTT continueront à augmenter

Il est donc logique qu’ils continuent àcapter la majorité des budgets. Mais la concurrence va encore monter d’un cran au fur et à mesure que les usages OTT continueront à augmenter, et lorsque la mesure d’audience unifiée sera devenue une réalité et permettra de mettre tout le monde sous la même toise. C’est le chantier de Médiamétrie qui devrait donner lieu fin 2024 à une mesure unique et globale. 

Y a -t-il encore des enjeux technologiques dans l’audiovisuel ? 

Pour le consommateur, le véritable sujet est d’arriver à une expérience la plus simple et fluide possible. N’oublions pas que le spectateur est devant son écran pour se divertir, pas pour se compliquer la vie ! L’IA, les assistants vocaux et les outils de recommandation vont y contribuer. S’agissant de la qualité des écrans, nous sommes déjà à un niveau techno assez poussé. Quant à la production de programmes, là encore l’IA fait le job pour produire des projets de scénario, avec le risque quand même si on en abuse d’accoucher de séries ou films totalement formatés. 

En dehors du sport, il y a peu d’événements en direct capables de générer de très fortes audiences mainstream.

L’événementiel, nouvelle source de contenus (et de revenus) pour la TV ? 

Il est évident que l’événementiel participe à la stratégie de génération de trafic des grandes plateformes. C’est le cas d’Amazon notamment avec le football, mais les enjeux financiers demeurent colossaux. Et en dehors du sport, il y a peu d’événements en direct capables de générer de très fortes audiences mainstream. Être capable de rassembler toute la famille et de capter 28 millions de téléspectateurs comme lors de la dernière finale de la Coupe du monde de football reste compliqué et rare. 

Quelle est votre prochaine actualité ?  

Nous lançons à la fin du mois la prochaine vague terrain de notre baromètre OTT.  Parmi les sujets d’actualité de notre industrie, nous interrogerons par exemple forcément nos 4000 panélistes sur la question du partage de code de Netflix. Rendez-vous en juillet pour les résultats !

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