Entretiens

“En 10 ans, les traiteurs ont véritablement retourné la table en matière de RSE"

Qui de mieux qu'un traiteur pour prendre le pouls du marché des events ? Dominique Julo, directeur général de Kaspia Réceptions, nous fait part de son expérience et de sa lecture des tendances actuelles. 

Publié le 22/05/2024 à 11:47, mis à jour le 22/05/2024 à 20:09.

Dominique Julo
© DR

Vous êtes à la tête de Kaspia Réceptions, une maison presque centenaire dédiée à la restauration événementielle. Comment les codes de la réception ont-ils évolué ? 

En effet, la maison Caviar Kaspia est née en 1927 et Kaspia Réceptions en 1995, Kaspia est donc un nom qui résonne comme une institution dans le secteur. Pour ma part, j’ai commencé dans ce métier dans les années 90. A l'époque, l'activité traiteur rimait avec nappages plissés, pains surprise et plateaux 30x40 en argent portés par des maîtres d’hôtels en veste blanche croisée, donc oui, les codes ont beaucoup évolué !

Le travail de médiatisation réalisé autour des métiers dits de bouche, du Dîner presque parfait, à Top Chef et le Meilleur Pâtissier, a donné aux gens l’envie d’organiser des réceptions plus personnalisées et créatives. Les traiteurs se sont donc remis en question, travaillant davantage sur les aspects décoration, stylisme, mise en scène, etc. Pendant une période, on a même vu les traiteurs se transformer en bijoutier, en parfumeur, en créateurs d’instants, etc. Maintenant nous sommes revenus aux fondamentaux, avec un ancrage sur le produit, l’authenticité, l’héritage. 

La demande clients est pour beaucoup dans cette évolution, les traiteurs ayant pris l’habitude de répondre à des demandes de personnalisation des prestations, malgré l’innovation belle et bien présente chez chacun d’entre nous. Pour autant, des maisons comme la nôtre ont de véritables signatures et un ADN fort, aussi parfois nous n’allons pas sur des dossiers qui ne nous ressemblent pas. 

Peut-on parler de mode culinaire, et si oui, quelles sont les tendances actuelles ? 

Kaspia Réceptions n’a jamais été aussi présente qu’actuellement dans l’univers du luxe et de la mode. Aussi, nous aimons bien faire un clin d'œil à ce dernier en parlant de mode culinaire. Au regard des préoccupations environnementales notamment, prévaut aujourd’hui une cuisine de produits et de terroirs, mais nous gardons évidemment l’héritage des modes passées.

Si nous vivons un retour à l’authenticité, ce n’est pas au dépend de l’élégance et de la mise en scène.

Aussi, si nous vivons un retour à l’authenticité, ce n’est pas au dépend de l’élégance et de la mise en scène. Il y a véritablement une direction artistique chez les chefs traiteurs qui déclinent leur fil rouge avec soin. Tous les six mois, nos cartes sont renouvelées, avec 30% à 40% de nouvelles recettes à chaque fois. Le niveau de créativité de nos chefs est juste incroyable ! 

Par ailleurs, on note de vraies tendances autour des arts de la table et de la vaisselle. Les contenants sont devenus très importants et sont autant de supports à cette créativité des chefs. Une des raisons pour laquelle chez Kaspia nous possédons nos propres gammes de vaisselle pour permettre à nos créateurs de s’exprimer comme ils le souhaitent. 

Parmi les tendances avérées, confirmez-vous celle de la RSE, d’une restauration éthique et raisonnée ? 

Vous ne trouverez pas aujourd’hui un chef traiteur pour cuisiner des produits hors saison, c’est désormais une évidence. Parmi tous les métiers de l’événementiel, cela tombait sous le sens que notre profession soit la première challengée pour consommer mieux. Et en 10 ans, les traiteurs ont véritablement retourné la table en matière de RSE. Nous faisons tous également des efforts pour consommer local, mais ayons l’honnêteté de dire que le métier de traiteur est synonyme de grande consommation, aussi le 100% local est quasiment impossible à atteindre. Et nous devons faire coïncider les demandes des clients avec des exigences RSE qui sont parfois incompatibles. Quoi qu'il en soit, ce travail autour de la RSE est passionnant, il est normé, contrôlé, et nous avançons avec des clients de plus en plus convaincus du bien-fondé de la démarche. Par ailleurs, les traiteurs échangent beaucoup leurs best practices avec les autres prestataires événementiels, les collectifs tels que LEVENEMENT, Traiteurs de France, Traiteurs Evénementiels Parisiens, ou encore La Clé se parlent entre eux, et c’est au bénéfice de tout l’écosystème. 

Rappelons que Kaspia Réceptions a été certifié ISO 20121 en 2017 - autant dire hier - nous étions alors les premiers à l’être en France. 

Ce sur quoi nous avons encore des marges de progression, c’est sur le volet sociétal. Mais beaucoup de traiteurs sont d’ores et déjà investis aux côtés d’associations, du tissu local, etc. Pour notre part, nous favorisons le bassin d’emploi de la Seine-Saint-Denis puisque nous sommes implantés à Aubervilliers et nous recrutons beaucoup par cooptation. Rappelons que Kaspia Réceptions a été certifié ISO 20121 en 2017 - autant dire hier - nous étions alors les premiers à l’être en France. 

Le mois de mai est souvent compliqué pour l’activité événementielle, quelle est la tendance cette année ? 

Tous les traiteurs s’accordent pour dire que l’activité est là, que mai sera finalement un bon mois pour nous, et ce malgré les ponts. Ce fut également le cas pour le mois d’avril. Il faut rappeler qu’historiquement les mois d’avril et mai sont assez compliqués pour notre activité. Mais cette année, il y a beaucoup de gros événements à plusieurs milliers de personnes, des events qui peuvent booster considérablement le chiffre d’affaires d’un traiteur. Quant au medium business, il est bel et bien présent également, aussi il y a de quoi contenter tout le monde.

Par ailleurs, je note qu’il y a sans cesse de nouveaux opérateurs qui se positionnent, qui proposent des prestations différentes et peuvent séduire des grands groupes. Ainsi, un même client peut consommer 10 traiteurs différents sur 6 mois pour produire des expériences diversifiées. Reste à savoir gérer ce marché qui n’est pas totalement rationnel et prévisible. Nous travaillons donc en mode “start & stop”, mais nous nous sommes adaptés et avons appris à être agiles. Si nous nous projetons sur le mois de juin, habituellement exceptionnel pour nous, il se profile en net retrait car la perspective des J.O n’incite pas les annonceurs à se positionner sur cette période. 

Concernant Kaspia en particulier, nous sommes heureux d’avoir une clientèle fidèle et beaucoup moins d’opérations en one shot. Nous travaillons donc moins mais mieux, ce qui nous permet de prendre davantage soin de nos clients, et dans le respect de la qualité de vie de nos équipes. 

Kaspia Réceptions et les J.O. Qu’allez-vous assurer comme prestations ? 

Dès le début des appels d’offres pour les Jeux olympiques et paralympiques, nous avons pris le parti de ne pas y participer. C’était un vrai pari, mais nous avons misé là encore sur du “moins mais mieux” qui correspond à la philosophie de notre maison. Et donc au lieu de nous disperser, nous avons fait le choix de travailler pour un seul sponsor de l’événement, en l'occurrence le groupe BPCE, qui privatise le Petit Palais pour l’occasion. C’est un véritable projet d’équipes, et 100% de Kaspia Réceptions est investi sur ce projet qui va permettre à chaque collaborateur de prendre part à l’aventure des Jeux, tout en travaillant dans de bonnes conditions. 

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